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Conception et optimisation d'agroéquipements pour l'agriculture de précision
L'agriculture de précision : pour quoi faire?
Dans les pratiques agricoles classiques,
une parcelle est considérée comme un milieu homogène.
L’apport des intrants (fertilisants, produits phytosanitaires,…) est effectué
de manière uniforme pour répondre au besoin global des cultures.
Une parcelle agricole est toutefois rarement uniforme et présente
souvent des variabilités dans la composition des sols, la topographie,
l’hydrographie,… qui conduisent à des rendements hétérogènes.
Les traitements, déterminés sur la base du besoin global
(voire d’un besoin maximum), conduisent donc à des surdosages dans
les zones à faible demande, l’excédent constituant alors
une source de pollution, et à des sous-dosages dans les zones à
demande élevée, le potentiel local n’étant alors pas
exploité de manière optimum.
Les contraintes croissantes en
matière d’environnement, de qualité des produits et de rentabilité
économique, ont conduit à développer une approche
nouvelle de l’agriculture moderne permettant de mieux préserver
l’environnement tout en respectant les impératifs de production
: l’agriculture de précision. Une parcelle est alors considérée
comme une entité hétérogène où les opérations
sont modulées selon les besoins locaux. L’agriculture de précision,
basée sur la modulation d'apports d’intrants selon la variabilité
intra-parcellaire, offre ainsi de nouvelles perspectives de progrès
pour l’agriculture, en termes économiques, de respect de l’environnement
et de qualité des produits.
L’application de ce principe passe
par trois étapes :
- la caractérisation des hétérogénéités
des parcelles,
- la fourniture par les agronomes des réponses adaptées,
- l’adaptation
des matériels agricoles.
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Caractérisation des distributeurs centrifuges d'engrais - imagerie lente (S. VILLETTE) |
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A] appareil photo, caméra multi-spectrale (J.W. LU) |
Thème 1 - Caractérisation des distributeurs centrifuges d'engrais:
L’épandage centrifuge, mécaniquement simple, représente près de 85% du marché des techniques d'épandage, en raison de ses avantages économiques non négligeables. Ce processus d'épandage fait néanmoins apparaître des phénomènes physiques complexes, liés entre autres au nombre de paramètres importants à étudier sur un distributeur centrifuge classique.
La maîtrise des opérations d'épandage suppose :
–une connaissance approfondie du fonctionnement des systèmes « produit, matériel d'application, culture, sol, milieu environnant » fondée plus particulièrement sur l'étude des produits et matériels d'application, et de leurs interactions;
–des possibilités de contrôle et
de rétroaction sur les matériels d'application, notamment
au travers d'outils de perception et de commande.
De ce fait, et grâce aux acquis des études
antérieures, les recherches ont été orientées
sur la mise en oeuvre d'un ensemble de techniques permettant de caractériser,
si possible en temps réel, les paramètres nécessaires
au contrôle de l'épandage centrifuge, c'est-à-dire
le débit instantané d'engrais1 et le champ de vitesses des
granulés en sortie de pale2.
1.Concernant le point 1, nous nous sommes intéressés, avec le Cemagref de Montoldre à la relation existant entre le débit instantané et le couple d'entraînement des disques d'épandage. La relation théorique linéaire a été vérifiée, sous certaines conditions, grâce au développement d'une maquette de distributeur simplifié (figure 1).
figure 1. Maquette d'épandeur dans le
hall d'essai du Cemagref de Montoldre (photo F. Cointault)
Un distributeur centrifuge est classiquement constitué d'une trémie de stockage de l'engrais, d'un système d'alimentation de l'engrais de la trémie jusqu'aux disques d'épandage, de disques, constitués de pales permettant l'éjection de l'engrais au champ, dont la vitesse est de l'ordre de 800-1000 tr/min. Nous avons placé différents capteurs (pesée de la trémie, capteur de couple, vitesse de rotation, ouverture de la trappe d'alimentation de l'engrais) sur cette maquette et les résultats de corrélation entre le débit et le couple ont permis d'aboutir au dépôt d'un brevet français, en cours de valorisation auprès d'un industriel (cf. publications).
2..Concernant le point 2, nous avons opté, après identification des différentes possibilités, pour une méthode sans contacts basée sur un capteur d'images. L'obtention de ce champ de vitesses permet de remonter, via un modèle de vol balistique, à la répartition d'engrais au sol. La vitesse relativement élevée des granulés d'engrais en sortie de pales (+ 100 km/h), nous a conduit à utiliser un système d'imagerie rapide breveté (cf. publications), équivalent à une caméra rapide (jusqu'à 8000 images/seconde) mais avec une résolution bien meilleure et un coût beaucoup plus faible.
Nous présentons maintenant de manière succincte les différentes étapes de la recherche aboutissant à la répartition d'engrais au sol. Ces étapes sont élaborées comme sur un poster.
Contexte : Absence de moyens de contrôle de la répartition de l’engrais sur les distributeurs centrifuges actuellement commercialisés. Réponse aux besoins d’une Agriculture de Précision.
Principe de l'épandage centrifuge d'engrais minéral :
Objectifs : Obtenir les paramètres d’éjection à la sortie du disque par imagerie : vitesses et directions des granulés. Fournir les valeurs d’entrée aux modèles de vol balistique. Comparer les différentes répartitions au sol.
Matériel : Une maquette d’étude a été spécifiquement conçue dans le but de mettre en œuvre une méthode d’acquisition d’images. Deux types d'images peuvent être obtenus (figure 2) : lente ou multiexposition.
figure 2
Images multiexposition et lente obtenues avec
notre système de prise d'images rapides.
Méthode et résultats 1 : Des algorithmes d’estimation du mouvement ont été développés pour déterminer les trajectoires individuelles des granulés : Modélisation des jets d’engrais (méthode géométrique), Intercorrélation, Champs de Markov.
Choix : Combinaison « modélisation des jets d’engrais » et « Champs de Markov »
Résultats 2 : Utilisation des données issues de l’imagerie pour modéliser la répartition de l’engrais au sol.
Conclusion et perspectives :
a) Système de prise de vues breveté.
b) Utilisation du dispositif pour caractériser
les épandeurs et étudier le mouvement des granulés
dans la pale.
c) Développement d’une nouvelle méthode
d’estimation du mouvement (Filtres de Gabor).
d) Prise d’images monoexposition - Calcul temps
réel - Maîtrise de l’éclairage pour une utilisation
au champ.
e) comparaison des répartitions obtenues
avec des répartitions réelles.
Publications
du
laboratoire relatives à ce sujet
Thème 2 - Capteurs
embarqués pour le contrôle et le suivi des hétérogénéités
des parcelles :
A] Étude sur la reconnaissance des oignons en présence de mauvaises herbes par traitement d’images
Contexte : Cette étude, menée en
partenariat avec le pôle agronomie (JP. Guillemin) de l'ENESAD, a
pour objectif de mesurer et de comparer les surfaces offertes à
l’ensoleillement par les feuilles d’oignons d’une part, et par les
feuilles d’adventices (moutarde des champs) d’autre part .L'utilisation
de capteurs optiques et le traitement judicieux des images obtenues permettront
d'apporter des solutions rapides pour la prise de décision des agronomes.
Rmq : La bourgogne étant le premier producteur
d'oignons (1200 ha par an), pour des raisons de commodités, nous
avons choisi de travailler avec cette culture
l Ce
travail, débuté en 2000 au moyen d'un appareil photographique
Nikon F401X. Les images sont numérisées, les négatifs
scannés ; la résolution optique maximale est de 2700 pixels
(ou 2700 ppp). On a pu se rendre compte que la lumière réfléchie
par les oignons (feuilles fines et allongées sur la figure ci-dessous)
variait selon leur âge : vert vif pour les jeunes et bleu-vert pour
les plus âgés (stade 8 feuilles) ce qui permet de les distinguer
plus facilement des adventices.
traitement des images : Dans un premier temps
nous proposons d’extraire le sol des images en utilisant une combinaison
de couleur (r-v)/r+v) dans l’espace RVB et du rapport T/S (teinte/saturation)
dans l’espace TSL.
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Lorsqu’ils sont jeunes, les oignons ne peuvent
pas être séparés des mauvaises herbes seulement par
la couleur, nous proposons une méthode utilisant une fenêtre
glissante dans laquelle ils sont identifiés à l’aide facteurs
de formes combinés dans un réseau de neurones. S’il y a des
recouvrements entre les feuilles d’oignons et de mauvaises herbes, on complète
l’analyse par une segmentation associant la couleur et la forme.
Lorsqu’ils ont atteint le stade 8 feuilles, les
oignons deviennent plus bleus que les adventices, c’est pourquoi il est
possible de les séparer par classification à partir de la
couleur (2b-v-r). Pour l’erreur due principalement aux bords des feuilles
d’oignons qui restent d’une couleur proche de celle des mauvaises herbes,
nous avons étudié une correction statistique.(Thèse
J.W. Lu, soutenue le 10 Mars 2003)
Figure : oignons Jeunes - séparation par la forme
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Figure : oignons âgés (stade 8 feuilles) - séparation par la couleur
l Ce
travail ne permet pas une utilisation en temps réel des résultats.
Nous avons par la suite travaillé avec une caméra de moindre
résolution certes mais mieux adaptée au traitement immédiat
des images nécessaires à la commande de système automatisés
sur les machines agricoles destinées à l'agriculture de précision.
Il s'agit d'une caméra monochrome (CV-M50 JAI de résolution
752(h)x582(v)) équipée de 4 filtres (bleu, vert, rouge et
infrarouge).
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partenariat : Université Jilin- Chine ; Université de
Bourgogne -Le2I
B] Développement d'une caméra embarquée pour la détection d'adventices - Application à l'agriculture de précision
Contexte : La résolution des satellites (SPOT 5 : résolution 2,5m en panchromatique) étant insuffisante pour la détection des adventices dans une parcelle cultivée (du maïs - interrang ~70cm), nous avons développé plusieurs dispositifs de prise de vue aérienne.
a) caméra couleur embarquée - Détection des adventices par la périodicité de la culture
La discrimination entre culture et adventices
est d'abord basée sur la structure périodique des cultures
par rapport à une organisation moins structurée des mauvaises
herbes. Les informations colorimétriques permettent de séparer
aisément la végétation du sol en changeant de base
colorimétrique (espace I-V1-V2). Ensuite un algorithme spécifique
basé sur un filtrage de Gabor détecte les lignes de semis
dans l'image de végétation grâce à leur périodicité
et permet donc une localisation des taches d'adventices. Cet outil
élaboré par l'UMR CPAP[1] a été testé
sur la parcelle d'essai maïs de l'INRA à Bretennières
(Côte d’Or) et des essais spectrométriques ont eu lieu sur
les parcelles d'essai d'orge et de maïs de l'ENESAD. L'image originale
(maïs) est traitée : le maïs en rang est "effacé",
seule la végétation hors rang est visualisée (en bleue
sur la figure).
(JB Vioix - Stage de DEA, sous la direction de
JP DOUZALS 2001)
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b) caméra multispectrale embarquée - détection des adventices par leur réflectance
La conception et réalisation d'une caméra
multispectrale pour la d"tection d'adventices fait l'objet de la thèse
de JB Vioix soue la direction de JP Douzals en partenariat avec le LE2I
et l'ITCF.
La caméra utilisée est une
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C] Spectromètre - discrimination des adventices par leur réflectance
Jusqu'à présent, l'image était
le seul outil développé au laboratoire pour étudier
la détection d'adventices au sein d'une parcelle cultivée.
Actuellement nous développons, avec C. Gée, une approche
spectroscopique avant de nous investir dans l'imagerie multispectrale.
Nous avons entrepris d'étudier la réflectance
(lumière réfléchie d'un objet / lumiére émise
par un diffuseur parfait) de différentes adventices afin de voir
si une discrimination est envisageable en travaillant sur des feuilles
fraichement arrachées.
Quatres espèces de mauvaises herbes ont
été étudiées : moutarde, chardon, folle-avoine
et véronique
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Face aux nombres important de variables (plus
de 1000 longueur d'onde par spectre => espace à 1000 dimensions)
et aux nombres de spectres (une centaine à traiter), nous avons
réalisé un traitement statistique des données en réalisant
un Analyse en Composantes Principales (ACP). Cette méthode, basée
sur un changement de base afin de réduire le nombre de variable
tout en gardant le maximum d'information utilise la matrice de correlation
(r) qui n'est autre que la matrice de variance-covariance réduite.
2 informations ressortent de cette ACP, le cercle des corrélations
nous indique :
1) le maximum de l'information peut être
contenu dans un nouvel espace à seulement deux dimensions permettant
ainsi une nouvelle représentation des indivus (des spectres de chaque
espèces donc) dans cet espace
2) au maximum 4 longueur d'onde suffisent
pour la discrimination des espèces végétales entre
elles
Puis, nous avons réalisé una Analyse
Factorielle Discriminante (AFD), afin de déterminer la fonction
F de classification qui permet d'assigner un spectre de réflectance
à la bonne espèce végétale.
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Les résultats semblent prometteurs puisqu'il
semble être possible de discriminer les espèces selon leur
réflectance !
Bien sûr, ce travail mené au laboratoire
sur des feuilles coupées, demande à être vérifier
au champs, en lumière naturelle et sur des feuilles vivantes!.